➡️ Communiqué de presse en anglais (01.04.2025) et film sur le projet lauréat (sous-titré en anglais)
Aujourd’hui, les mutilations génitales féminines affectent 230 millions de femmes et de filles dans le monde, dont 600 000 en Europe et 24 600 en Suisse, et constituent un problème de santé publique majeur. Des mutilations, telles que l’excision du clitoris et des lèvres ou l’infibulation (la fermeture de la vulve après excision), portent atteinte à l’intégrité corporelle des femmes et des filles et peuvent avoir des conséquences graves sur la santé physique, psychologique et sexuelle. Face à cette situation, une équipe transdisciplinaire menée par la Dre Jasmine Abdulcadir du Service de gynécologie des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) – l’une des rares gynécologues en Suisse formées aux spécificités à la fois socioculturelles, médicales et chirurgicales de ces mutilations – cherche à permettre une meilleure compréhension et évaluation de la sensibilité des organes génitaux féminins, afin d’améliorer la prise en charge clinique, chirurgicale et psychosexuelle des patientes concernées. La Dre Jasmine Abdulcadir mène l’équipe de recherche lauréate de l’un des deux Prix scientifiques Leenaards 2025 en collaboration avec le Pr Daniel Huber, du Département des neurosciences fondamentales de l’Université de Genève.
« Nous allons proposer pour la première fois une mesure objective de la sensibilité sensorielle des organes génitaux, notamment après une mutilation ou pour accompagner une reconstruction », explique le Pr Daniel Huber. Cette recherche s’attaque à un sujet encore trop tabou dans la société, et comble ainsi une lacune majeure dans l’état des connaissances actuelles. Pour ce faire, leur équipe propose de mettre en place un dispositif capable d’évaluer la sensibilité à travers des stimulations tactiles calibrées. « Nous allons développer un petit outil portable et connecté pour permettre aux femmes d’évaluer la sensibilité de leur vulve et de leur clitoris en toute confidentialité, à leur domicile, sans avoir à subir d’examens cliniques gênants et invasifs », ajoute le Pr Huber. Cet appareil devrait non seulement constituer une avancée majeure dans la compréhension, mais aussi dans le suivi des troubles de la sensibilité génitale chez les femmes concernées et, plus largement, pour d’autres personnes. Il devrait aussi permettre d’évaluer comment la perception du corps influence la réponse psychosexuelle. Bien que l’information autour du clitoris se soit démocratisée ces dernières années, le manque de connaissances et les tabous restent flagrants.
« Dans notre consultation aux HUG, près de 50% des femmes qui envisagent une reconstruction vulvaire après une excision renoncent finalement à cette opération chirurgicale grâce à l’accompagnement thérapeutique, psychologique et sexologique, et en prenant conscience que leur organe, bien qu’altéré, reste fonctionnel », précise la Dre Jasmine Abdulcadir.
La sensibilité du clitoris et de la vulve, de même que la réponse sexuelle, sont influencées par de nombreux facteurs biologiques, anatomiques, psychologiques et sociaux. Bien que la reconstruction chirurgicale du clitoris améliore les sensations pour certaines femmes, le processus de réappropriation de cet organe ne se limite pas à une intervention médicale. On sait en effet qu’il reste possible de ressentir du plaisir, et un orgasme, malgré l’excision de la partie visible du clitoris. « Ce n’est jamais le chirurgien qui reconstruit quelqu’un. Le chirurgien est un outil. C’est la personne qui va se reconstruire elle-même », explique la Dre Jasmine Abdulcadir. Un accompagnement psychosexuel, la psychothérapie et l’éducation restent des aspects essentiels pour améliorer l’image corporelle et la sexualité après une mutilation génitale.
La portée de ce projet de recherche va au-delà des femmes qui ont subi des mutilations génitales ; il pourrait également bénéficier à toutes les personnes souffrant de troubles de la sensibilité génitale, quelle que soit leur étiologie (affections neurologiques ou vasculaires, blessures génitales dues à un accouchement, des accidents ou des interventions chirurgicales).
Female genital mutilation (FGM) is a major public-health issue affecting 230 million women and girls worldwide, including 600,000 in Europe and 24,600 in Switzerland. Depending on the type, FGM refers to the partial or total removal of the visible part of the clitoris with or without the inner and outer labia, or to infibulation, which is the closure of the vulva. FGM violates women’s and girls’ bodily integrity and can seriously impact their physical, psychological and sexual health. Dr. Abdulcadir’s research group at the HUG’s Division of Gynecology is taking a cross-disciplinary approach to this issue, with the goal of better understanding and evaluating female genital sensitivity and thus improving the clinical, surgical and psychosexual treatment of patients. Dr. Abdulcadir is one of the few gynecologists in Switzerland who has been trained on the specific sociological, cultural, medical and surgical implications of FGM. She heads this research group in conjunction with Prof. Daniel Huber from the Department of Basic Neuroscience at the University of Geneva.
“Our system will give doctors objective measurements of female genital sensitivity for the first time, which will be especially useful for patients who have suffered mutilation or will undergo reconstruction,” says Prof. Huber. This research addresses a topic that is still widely taboo and aims to fill a major knowledge gap in public health. The new device will measure sensitivity through the use of calibrated tactile stimulation. “It will be small, portable and connected so that women can measure the sensitivity of their vulva and clitoris privately at home, without the need for invasive and uncomfortable clinical exams,” says Prof. Huber. The device will mark a major step forward in both the understanding and treatment of genital sensitivity disorders after FGM and for other women, too. For example, it can give doctors insight into how body perceptions influence the psychosexual response.
Although many people today are better informed about the clitoris, there is still a striking lack of knowledge and widespread taboos. “Nearly 50% of the patients who consult our FGM clinic for undergoing clitoral reconstruction surgery end up changing their mind after the medical treatment and psycho-sexual care we provide,” says Dr. Abdulcadir. “With such care, they realize that their organ, while altered, can still be functional.”
A number of biological, anatomic, psychological and social factors influence the sensitivity of the clitoris and vulva and the sexual response. Clitoral reconstruction surgery can improve sensitivity for some women, but the process of reappropriating the clitoris requires more than a surgical intervention. It is possible for women who have had the visible part of the clitoris removed to still feel pleasure and even reach orgasm. “It’s not the surgeon who reconstructs a patient – the surgeon is simply a tool. Reconstruction is something the patients do for themselves,” says Dr. Abdulcadir. Psychosexual support, psychotherapy and education are essential to improve patients’ body image and sexuality.
The research being conducted by Dr. Abdulcadir’s group will benefit not only women who have suffered FGM but also those with diminished genital sensitivity regardless of the cause (e.g., a neurological or vascular disorder, or genital damage following childbirth, an accident or surgery).
With our new device, women who have undergone genital mutilation, or a medical treatment or reconstructive surgery, will be able to evaluate their sensitivity themselves, from the privacy of home. This research aims to fill a major knowledge gap in a topic that is still taboo.